12 - Sunday's noon.

Lex était à deux doigts de la crise d'apoplexie. Il avait cru que son père et lui était arrivé à une certaine forme d'entente ces derniers temps. Même à une certaine forme de respect. Qui pourrait selon les prévisions les plus optimistement folles déboucher sur un amour père/fils fils/père dans le style Luthor. Bref, Lex avait baissé sa garde. Et son père en avait profité. Il aurait du se rappeler qu'on ne pouvait pas faire confiance au vieux renard. Il pouvait toujours coller un procès à son père et obtenir une injonction du tribunal pour que la campagne publicitaire de son père soit suspendue immédiatement. Mais dans ce cas, il passerait pour le méchant. Et Lex tenait à son image. Il travaillait dur pour se démarquer de son père. Pour se démarquer des Luthor. Il n'allait pas tout foutre en l'air maintenant. Il n'allait certainement pas tomber dans le jeu de son père.

Peu importait qu'il soit la risée de son propre staff. Il avait vu ses secrétaires cacher des magasines dès qu'il entrait dans la pièce. Il avait vu les têtes de ses plus fidèles collaborateurs, ces chiens qui avaient eu du mal à s'empêcher de rire même face à lui. A chaque étage on riait de lui. Dans son propre immeuble ! Parmi ses propres employés ! La perfidie de son père n'avait aucune limite !

La porte de son bureau s'ouvrit. Lex leva les yeux, sombre.
"Qu'est-ce tu veux ? Tu es passé te moquer de moi toi aussi ?"
Clark roula des yeux et s'assit nonchalamment face à son meilleur ami.
"Je suis passé voir comment tu allais. Et personne ne se moque de toi. Je t'assure."
Lex bondit hors de son siège et fit un geste véhément en direction de la baie vitrée de laquelle on pouvait voir la ville.
"Je suis la risée de tout Metropolis !"
Clark se mit à rire. Ce dont Lex n'avait absolument pas besoin à ce moment là.
"Sors d'ici tout de suite !"
Clark leva un sourcil interrogateur : apparemment il avait mal jugé l'état de Lex.
"J'ai dit, sors d'ici tout de suite, Clark."

Clark roula des yeux une nouvelle fois. Lex se demandait s'il était vraiment normal que lui, Lex Luthor, richissime homme d'affaires qui tenait entre ses mains les emplois de milliers de personnes à travers le pays, se fasse traiter de la sorte par un petit étudiant à peine sortie de sa campagne. Depuis quand avait-il cessé d'être respecté et craint ?

"Lex, Lex, Lex. Tu devrais te détendre un peu."
"Clark, Clark, Clark. Sors d'ici, ou je ne réponds plus de mes actes."
"Je ne crois pas que tu sois furieux à ce point là." répondit Clark avant d'ajouter avec un sourire. "Et ce n'est pas comme si tu pouvais me faire quoi que ce soit."
"Je pourrais te vendre à un laboratoire."
"Et perdre l'exclusivité de l'alien ?"
"Je pourrais te disséquer moi même."
"Lex, si ça avait été vraiment ton but, je serais dans des jarres depuis longtemps. Et je te rappelle qu'on fait déjà des recherches sur mes pouvoirs et mes capacités."
"Je pourrais décider que ça ne va pas assez vite. Et que ce serait plus lucratif de te faire étudier de façon plus poussée."
"Bien sûr... Mais tu t'ennuierais sans moi pour te déranger toutes les cinq minutes."

Lex roula des yeux devant l'impudence de Clark.
"Tu te crois si indispensable que ça ?"
"Non, je ne le crois pas. Je le sais."
"Et dire que le Clark Kent que j'ai rencontré doutait tout le temps... un mois à l'université et monsieur se croit déjà..."

Clark reprit son sérieux, pour couper court à la stupidité de leur conversation.
"Lex. Arrête d'imaginer toujours les pires scénarios."
"Tu n'as aucune idée de ce qui se passe dans ma tête."
"Je te connais Lex. Je crois que quand je t'ai dit la vérité, tu as voulu, ne serait-ce qu'un instant me mettre sur une jolie table de dissection."
"Et tu me l'as quand même dit ?"
"Bien sûr. Même si je savais que ça traverserait ton esprit, je n'ai pas imaginé une seconde que tu agirais là-dessus."
"Tu es stupide."
"Tu l'es aussi. Prends l'exemple de ces photos. Tu penses immédiatement que tout le monde se moque de toi, alors qu'en fait, la plus part des gens trouvent que tu étais très mignon. Ton père n'a pas fait un mauvais choix... C'était l'idéal pour le rendre plus humain. Et toi aussi. Les gens t'ont toujours vu comme un adulte. Tu as vingt-quatre ans, et quand on écoute, on jurerait que tu en as vingt de plus. Les gens oublient que tu as été un enfant toi aussi, et il n'y a pas si longtemps que ça. Si ça humanise Lionel, ça t'humanise toi aussi."
"Mignon ? Je ne veux pas être mignon. Un Luthor n'est pas mignon."
"Trop tard, la preuve est affichée en photos dans tout Metropolis."
"N'importe quoi." fit Lex avant de réfléchir et d'ajouter. "Tu trouves que j'étais mignon."
"Comme la moitié de la ville."

C'était flatteur, mais pas encore suffisant pour la vanité faussement feinte de Lex.
"La moitié seulement ?"
"L'autre moitié pense que c'est un trucage."
"Pourquoi je ne suis pas assez bon pour faire des châteaux de sable ?"
"Avec ton père, en famille, ça a de quoi surprendre."
"Tout n'a pas toujours été comme ça entre mon père et moi."
"Je sais. Mais vous vous entendez mieux depuis quelques temps, n'est-ce pas ?"

Seulement sous l'influence de Clark. Et la petite traîtrise de son père n'arrangeait pas les choses. Lex lui en voulait. Clark avait beau dire, il ne voulait pas d'une photo de lui enfant sur les murs de la ville.
"Après ça, si jamais je le vois, je l'étranglerais avec une de ses cravates hideuses."
"Il ne pensait pas à mal."
"Mon père pense tout le temps à mal. Il savait que cela m'énerverait et c'est pour ça qu'il l'a fait."
Clark rit ouvertement cette fois.
"Lex... Ne sois pas ridicule. Quand Lionel Luthor veut t'énerver il fait les choses en un peu plus grand."
"Moi sur tous les murs de la ville, ce n'est pas assez grand ? Mon staff qui rit dans mon dos, ce n'est pas assez grand pour toi ?"
"Ce n'est pas son style. S'il avait voulu vraiment t'énerver, il aurait attaqué LexCorp ou il aurait fait comme pour Victoria."

Le goût de l'affaire Victoria Hardwick était encore amer dans la bouche de Lex. Cette traînée aurait vraiment couchée avec n'importe qui pour un peu de pouvoir.
"Je te rappelle qu'il y avait des photos là aussi." répliqua Lex.
"Ca n'a rien à voir... là cela ressemblait plus à ce que mes parents ont fait quand ils ont montré des photos de moi enfant à Chloé et Pete. C'est normal tu sais. Tous les parents font ça... Ils adorent gêner leurs enfants de cette façon en montrant à quel point ils sont fiers d'eux. Bon évidemment ton père a vu en plus grand parce que c'est son style, mais à la base, c'est exactement la même chose."
"Tu parles... C'est le côté gêne et humiliation qui intéressait le plus mon père."
"Vous devriez parler tous les deux. Cela allait mieux entre vous, Lex. Ne laisse pas passer ça. Ton père manque peut-être de principes et de morale en matière de business mais c'est ton père. Ne gâche pas ça."
"Ce n'est pas comme s'il y avait vraiment quelque chose à gâcher. Ce n'est pas parce que..."

Clark laissa Lex continuer voyait bien qu'il n'y aurait rien à tirer de Lex aujourd'hui. Il devrait trouver un moyen de leur faire comprendre à tous les deux, qu'il y avait peut-être des moyens différents d'exprimer leur relation père/fils qu'à travers les pages des magasines people et des pages économie des grands quotidiens. Clark supposait qu'après la mort de Lilian il n'y avait plus eu personnes pour les calmer et s'interposer entre eux. A les forcer à se parler autrement que par des menaces.

Peut-être qu'il pourrait trouver quelque chose... Il avait appris quelques 'trucs' au contact de Lex. Peut-être était-il temps qu'il les utilise.


Lex reçut un coup de fil de Clark le vendredi qui suivit. Clark lui apprenait qu'il ne pouvait pas venir le samedi parce qu'il y avait quelque chose (une fête probablement) organisé par les étudiants. Cela ne plaisait pas particulièrement à Lex. Il fallait l'avouer. Mais comme Clark lui proposait de déjeuner avec lui dimanche midi, il ne trouva rien à y redire. Clark avait même choisi le restaurant.


Lionel reçut un coup de téléphone de Clark le même jour, quelques minutes plus tard. Apparemment le jeune homme était très inquiet pour son meilleur ami qui se comportait étrangement depuis plusieurs jours. Clark avait décidé de contacter Lionel pour essayer d'en apprendre plus. Lionel se félicita d'avoir donner son numéro personnel au jeune homme. Ce n'est pas son fils qui lui aurait dit qu'il avait des problèmes en ce moment. Il accepta donc immédiatement de voir Clark le dimanche midi.


Les serveurs du petit restaurant que Clark avait choisi furent bien surpris de voir arriver Lex Luthor dans leur établissement. Plus encore lorsqu'il demanda s'il n'y avait pas de réservation au nom de Kent. Les jambes flageolantes, l'un deux lui montra la table et le fit s'installer. Elle était dans un coin de la pièce, à l'abri des regards. Clark avait bien choisi.

Le personnel du restaurant fut encore plus surpris quand un second Luthor arriva, tout aussi impressionnant que le premier. Comme son fils, il demanda s'il n'y avait pas une réservation au nom de Kent. L'hôtesse se dit qu'il s'agissait sans doute d'un code quand ils voulaient se voir discrètement. On le conduisit à la table. En voyant son père arrivé, le plus jeune des Luthor se leva. Il avait quelques problèmes à cacher son déplaisir.

"Père, quelle surprise."
"Lex... Je ne m'attendais pas exactement à te voir."
Lionel s'assit néanmoins. Et Lex l'imita en se forçant à se rasseoir. Tous deux se firent servir un bourbon. Et la similitude de leur commande, pour le moins inhabituelle avant même d'avoir mangé, n'arrangea pas l'humeur de Lex. Une fois le serveur partit, il passa à l'attaque.

"Qu'est-ce que tu fais là ?"
"J'ai été invité."
"Ah oui et par qui ? J'aimerais bien le savoir ! Tu es encore venu me gâcher la vie. Tu ne crois pas que tu l'as assez fait comme ça ?"
"C'est ce cher Clark Kent qui m'a invité. Tu pourras le lui demander quand..." Lionel regarda autour de lui mais ne trouva pas de troisième chaise. "S'il vient."
"Oh parfait. Et qu'est-ce qui me fait croire que tu n'inventes pas tout ça ?"
Lionel roula des yeux.
"Pourquoi diable, mentirais-je pour avoir le plaisir, contestable, de dîner en ta compagnie."
"Parce que tu aimes m'énerver. Tu passes ton temps à chercher à me faire du tort. A moi ou à ma compagnie."
"Ta petite LexCorp est un concurrent, c'est normal que je m'en prenne à elle. C'est ce que tu voulais quand tu l'as créée. Tu voulais que nous nous affrontions. Je démens toutes les autres accusations."

"Pourquoi est-ce que ça ne m'étonne pas ? Tu passes ta vie à mentir."
"Parce que toi, ce n'est pas le cas ?" lui renvoya Lionel.

Le serveur les interrompit à nouveau, portant deux lettres.
"On vient de déposer cela pour vous, messieurs."
Les deux Luthor s'emparèrent des lettres sans remercier le pauvre serveur et le congédièrent de deux regards noirs jumeaux.

Lex ouvrit la sienne, se doutant déjà de ce qu'elle contiendrait. Il pensait sincèrement que la place de meilleur ami de Lex Luthor était à présent vacante. Ah oui. L'écriture était bien celle de Clark. Ce petit scélérat était bien l'organisateur de ce guet append.
Lex,
Désolé d'en être arrivé là, mais il était temps que quelqu'un prenne les choses en mains. Profite de l'occasion pour discuter avec ton père. Pas la peine de lui en vouloir plus qu'il ne faut pour cette histoire de photos. J'arriverais pour le dessert. En attendant, essayez de ne pas vous entretuer. Je sais que tu n'as aucune envie de rester, mais s'il te plait, fais le.
Clark.

Lex pouvait presque entendre le "pour moi" sous-entendu dans la dernière phrase de Clark. Il pouvait presque le voir faire la moue et un regard suppliant pour obtenir ce qu'il voulait. Et Lex ne refusait jamais rien à Clark. Il soupira et leva les yeux sur son père qui devait avoir une missive similaire.

"Et bien, père, je crois que nous sommes condamné à manger ici."

Lionel eut un sourire entendu. Personne ne dictait la conduite de son fils, ni la sienne d'ailleurs, mais pour le jeune Clark, Lex était prêt à aller à l'encontre de ses principes. Et Clark se mettait en quatre pour Lex. On pouvait lire en eux comme dans un livre. Lionel réussirait à leur faire sauter le pas.

"Je le crois aussi."

Même si pour cela, il devait régler le problème que posaient la délicieuse Martha et son irritant mari de façon radicale. Il pourrait facilement faire passer tout ce qu'il voulait pour un simple accident. Ni son fils, ni Clark n'en sauraient rien. Il avait tué pour moins que ça. Mais il n'était pas sûr que Clark ne répondrait pas à leur mort par la volonté de respecter leurs voeux. Et dans ce cas, cela n'aurait servi à rien. C'était la seule chose qui retenait Lionel d'agir dans ce sens. Il trouverait un autre moyen, tôt ou tard, le jeune Kent devrait bien faire sa crise d'adolescence. N'est-ce pas ?


C'est ainsi que le concept des déjeuners du dimanche naquit. Oh bien sûr, durant le premier, Lex et son père manquèrent plusieurs fois de peu d'en venir aux mains. Mais comme disait Clark, l'essentiel était qu'ils parlent... et de préférences d'autre chose que du travail. D'ailleurs Clark, pour ce premier déjeuner, eut à faire face quand il arriva, juste à l'heure pour le dessert, comme il l'avait promis, à deux Luthor fort peu disposés à lui être agréables. Et si une chose était certaine, c'était qu'il ne valait mieux pas se retrouver du mauvais côté de la colère soudée du père et du fils. Ensemble, rien ou presque ne les arrêtaient. Par conséquent, Clark dut faire acte de contrition et promettre de jouer les tampons pour plus que les desserts s'il souhaitait que cette -oh si désagréable- expérience se reproduise.

Il fallait noter cependant que Clark ne fut pas celui qui parla le premier d'une prochaine fois. Néanmoins il accepta de faire comme si c'était le cas pour préserver l'orgueil des Luthor.

Ainsi donc, rapidement, les serveurs s'habituèrent à la présence insolite des deux personnes les plus puissantes de Metropolis chaque dimanche midi dans leur petit restaurant. La présence encore plus surprenante d'un tout jeune étudiant ne le choqua plus après le premier mois. Au contraire, ils l'appréciaient tous et craignaient secrètement qu'il ne fut pas présent un prochain jour. Personne d'autre n'aurait osé demander au Père ou au Fils de baisser d'un ton pour ne pas déranger les autres clients.

Quant à l'histoire de la photo de Lex enfant qui faisait des pâtés de sable sous l'oeil attentif de son père pour la compagnie d'assurance de la LuthorCorp ("C'est parce que nous comprenons l'importance de votre famille que nous vous assurons aussi bien"), elle fut vite réglée. Devant l'absence flagrante de remords de la part de Lionel, Lex se vit dans l'obligation de contre-attaquer par une photo de son père en short et chemise hawaïenne, coups de soleil et piqûres de moustiques pour la promotion de LexTour, la nouvelle agence de voyage de la LexCorp. ("Ne gâchez pas vos vacances en laissant les mauvaises personnes les organiser. Parce que vos vacances sont importantes, faites confiance à LexTour.")

Néanmoins, ces repas du dimanche midi ne furent pas sans conséquences. On ne pouvait pas prétendre que ces déjeuners échapperaient aux yeux de la presse à scandale. Et si les premiers articles avaient été balayés d'un revers de la main par l'un ou l'autre des Luthor avant qu'ils ne paraissent, l'un d'eux attira particulièrement l'attention de Lex. Parce qu'il était sur Clark. Avec force photos, la feuille de choux s'interrogeait sur l'identité de l'individu qui avait réussi l'exploit de s'octroyer la compagnie des deux Luthor. De Lex en particulier avec qu'il avait été vu à l'occasion de plusieurs inaugurations. Les spéculations sur leur relation allaient bon train. Lex s'occupa de l'article et du journaleux mais il se mit en tâche de trouver un moyen plus efficace de protéger Clark de toutes ces insinuations qui auraient alarmé ses imbéciles de parents.

C'est ainsi que le célèbre photographe Brian Coulter fit son entrée dans la routine bien établie de leur vie au mois de Février.

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