14 - Brian's POV

Je ne suis pas stupide. Je sais que beaucoup dans l'entourage de Lex le pense. Ils ne m'aiment pas. Ils me méprisent pour la plus part. J'ai vu comme ils me traitent et comme ils me regardent. Quantité négligeable. Un intrus dans leur petit monde. Bien sûr ce n'est pas son cas à lui. Non ce genre de comportant ne siérait pas à ce petit ange de vertu et de compassion.

Je sais que je n'ai pas exactement le don qu'il a de se faire aimer des gens. C'est pour ça que je suis photographe. Mon statut d'artiste me permet d'excuser mon comportement distant. Entre les gens et moi, il y a toujours l'appareil. Je n'aime pas spécialement le contact des autres, je ne le recherche pas spécialement. Non pas que je sois solitaire. Mais je préfère être entouré d'un nombre restreint de personnes.

Comme je le disais plutôt, je ne suis pas stupide. Je ne suis pas aveugle non plus. Et en tant que photographe, j'ai appris à observer. Et ce don que je possède, ne m'est même pas si utile que ça... Un aveugle pourrait voir ce qui se passe ici. Ce n'est pas une seule chose. Ce sont des milliers d'entre elles qui me le montrent jour après jour.

Par exemple son appartement. J'y suis presque toutes les nuits depuis six mois maintenant. Pourtant je n'en ai pas la clé. Mais lui l'a. C'est même comme ça qu je l'ai rencontré pour la première fois. Il était entré là sans crier gare et nous avait surpris. J'ai eu une impression très bizarre ce jour là. La tension qu'il y avait dans la pièce à cet instant.... Comme si Lex et moi avions été pris en faute. Il a eu l'air tellement blessé. Cela n'avait duré qu'une seconde avant qu'il ne se compose un visage gêné plus adéquat au rôle de meilleur, mais je l'avais vu. Et Lex aussi, je pense, parce qu'ensuite, il avait eu l'air préoccupé toute la soirée. Cela aurait du me mettre la puce à l'oreille et me pousser à fuir loin. Très loin.

Mais c'était Lex Luthor. Dangereux et sexy, tout un mythe. J'aurais donné une main pour un modèle pareil, alors si on m'offrait l'occasion de coucher avec lui. J'aurais du me douter que je ne sortirais pas de cette histoire indemne. C'est tout moi ça. Je n'ai pas de chance. Il a fallu que je sois accroché.

Après notre première rencontre, j'ai souvent vu Clark. En étant avec Lex, je ne vois pas comment j'aurais pu y échapper. Ils étaient rarement l'un sans l'autre plus d'une journée. Cela aussi aurait du m'inquiéter. Mais peut-être que finalement je suis stupide. Il était ouvert, sympathique avec lui. Toujours prêt à aider. Même moi je ne peux pas le détester.

Et non seulement il a la clé de l'appartement, mais il a aussi une chambre ici. Pour les jours où il ne peut pas supporter les dortoirs de l'université. Je n'ai même pas un demi tiroir mais il a les clés et une chambre. Et un placard dans la cuisine. La première fois que je l'ai vu, j'ai ris. Je pensais que c'était pour Lex. Des céréales, des paquets de gâteaux et de chips, des bonbons, des sodas... J'ai cru un bref instant que Lex cachait un obsédé des sucreries et autres cochonneries alimentaires en lui. Mais j'ai vite été détrompé. Tout ça était pour Clark. Lex a toujours de quoi le nourrir. Alors qu'il ne pense jamais à faire servir autre chose que du café. Je ne bois que du thé, bon sang !

Le pire, peut-être, c'est que tout le monde sait exactement où je me place. Vous savez à quel point c'est humiliant pour moi de n'être que le deuxième ? Que tout le monde sache que je ne suis qu'un dérivatif ?

Je suis dans tous les magasines au bras de Lex mais tous les employés de la LexCorp savent bien que je n'ai pas la première place dans le coeur de leur patron. Si j'y ai une place tout court. Ils ne me montrent pas la moitié de la déférence qu'ils ont pour lui. Je couche avec leur boss, merde. Je suis son petit ami.

Un jour, je voulais voir Lex. Pour lui faire une surprise. Sa secrétaire s'est montrée très ferme. Il n'était pas question pour moi de déranger Monsieur Luthor pendant son travail. Elle a ajouté qu'il aurait bientôt probablement fini avant de m'indiquer un fauteuil où attendre sagement. Mais lui quand il est arrivé, quelques minutes plus tard, il a été embrassé par la secrétaire sur les deux joues avant de rentrer dans le bureau de Lex comme si de rien n'était. Et le dragon n'a rien dit. Elle n'a pas haussé un sourcil. Elle s'est contentée de se rasseoir avec un sourire béat.

La soirée de Noël a été dans le même genre. Bien sûr Clark était là lui aussi. J'étais le rendez-vous de Lex mais mon cher petit ami est resté toute la soirée avec son meilleur ami. Tous les deux au milieu des employés de la LexCorp. Une personne qui verrait la scène pour la première fois jurerait que c'était lui qui était avec Lex. Pas moi qui en était réduit à observer la soirée de loin, dans un coin de la pièce. Je ne connais personne de l'entreprise à part la secrétaire, l'assistant personnel et le garde du corps de Lex. Qui sont complètement acquis à sa cause à lui.

Cause est peut-être un bien grand mot. Ce n'est pas comme s'il intriguait pour mettre le grappin sur Lex. Il n'en a pas besoin. Il a déjà Lex. Aussi sûrement que Lex l'a déjà. Je n'ai jamais compris pourquoi ils n'avaient jamais franchis le pas. Un des grands mystères de l'univers. Peut-être qu'il se croit hétéro. Peut-être qu'il ne veut pas être gay et qu'il n'ose pas se l'avouer. Ou peut-être est-ce complètement autre chose.

De toutes façons, cette soirée de Noël de la LexCorp a été une des pires de ma vie. Je me suis rarement senti aussi peu à ma place. Encore plus que lors de nos fameux double rendez-vous. Je n'ai jamais compris pourquoi les copines de Clark continuaient de sortir avec lui après avoir été à un de ses double rendez-vous. La façon dont Lex et Clark se comportent à chaque fois... Ils oublient que nous autres, pauvres mortels, existons. Ils oublient de faire attention à leur rendez-vous pour ne faire attention que l'un à l'autre. C'est criant. Pourtant elles reviennent... Et qui suis-je pour dire ça ? Après tout, je suis toujours là moi aussi.

J'étais à New York pendant deux semaines le mois dernier. Ma soeur venait d'accoucher et j'avais été la voir elle et le bébé. Je pensais, naïvement, que Lex m'appellerait au moins une fois pendant mon séjour. Il ne l'a pas fait. Si je n'appelais pas, il laissait courir. Complètement indifférent. Quand je suis rentré, j'avais l'intention de mettre les choses au clair une bonne fois pour toute. Lui dire ce que je pensais exactement de ses manières et le plaquer dans l'heure. Mais il m'attendait à l'aéroport. Il avait préparé une soirée pour mon retour. Alors je me suis laissé aller à oublier mes reproches avant même de les avoir énoncer.

Plus tard, j'ai appris que c'était Clark qui lui avait suggéré de faire ça pour moi.

Si Lex était avare en coup de téléphone qu'il me passait, ce n'est pas le cas pour ceux qu'il passe à son meilleur ami. Il l'appelle tous les jours, plusieurs fois par jours parfois. Alors qu'il l'a vu plus tôt dans la journée. Je me souviens très bien d'une nuit. Nous revenions d'une soirée de bienfaisance... C'était un week-end où Clark présentait une énième petite amie à ses parents (la troisième je crois). Lex était inquiet pour lui. Clark avait apparemment promis de téléphoner et il ne l'avait pas fait. J'ai essayé de dérider Lex. De lui dire que peut-être Clark et sa copine étaient occupés et n'avaient pas exactement le temps de téléphoner. Que pas de nouvelles, c'était de bonnes nouvelles. Mais rien n'y a fait. Il m'a dit que si Clark n'appelait pas c'était parce que cela s'était une fois de plus mal passé, et qu'il ne voulait pas appeler pour ne pas gâcher leur soirée. Trop tard, ai-je failli dire.

Lex a appelé Clark, lui a fait avouer au bout de cinq longues minutes que effectivement, cela s'était une fois de plus mal passé et que ses parents avaient une fois de plus trouvé la jeune fille indigne de leur fils chéri. J'ai pris mes affaires et je suis rentré chez moi. Je connaissais suffisamment Lex pour savoir qu'il proposerait à Clark de passer le voir, que Clark refuserait mais que Lex irait quand même le chercher pour le ramener ici. Je n'avais pas la moindre chance. Pas plus qu'aujourd'hui d'ailleurs.

Le pire avec Clark, c'est qu'il est accepté par tous dans la vie de Lex. Par tous sans exception. Même par l'infâme Lionel Luthor, soit disant en mauvais terme avec son fils, et critiquant tous les aspects de sa vie. En fait, c'est vrai il critique tous les aspects de la vie de Lex. De ses choix vestimentaires à ses choix économiques, en passant par moi, évidemment. Lionel ne m'a pas accordé plus d'une demie seconde d'intérêt quand nous nous sommes rencontrés. Je peux accepter qu'il ne m'aime pas, qu'il se fiche comme d'une guigne de ma présence ou pas dans la vie de son fils. Je l'avais vu comme ça toute la soirée.

Jusqu'à ce que Clark arrive. Et là monsieur miracle a encore fait des siennes. Lionel et lui avaient l'air de bien s'entendre. Il faut dire que Clark est dans la vie de son fils depuis quelques temps maintenant. Mais quand même ! Pourquoi être si ouvertement amical avec ce type. Il n'était rien. La famille de Clark est une famille de paysans endettés, Clark est un petit étudiant banal en journalisme. Qu'a-t-il de plus que moi ? Lionel me traite toujours comme si je ne suis que le "parfum de la semaine". A chaque fois. Je ne suis avec son fils que depuis huit mois maintenant après tout...

A propos de Lionel, d'ailleurs, un détail m'avait toujours énervé. Pourquoi diable Lex déjeunait-il systématiquement avec lui le dimanche s'ils ne pouvaient pas se voir sans se disputer ? J'ai essayé plusieurs fois de le faire changer d'avis et de passer la journée du dimanche avec moi. Il n'y a rien eu à faire. Je lui ai alors demandé si je ne pouvais pas venir. Après tout j'étais son petit ami, j'aurais pu déjeuner avec lui et son père. Mais il m'a répondu, avec tact, que c'était une espèce de rituel familial qui avait été instauré et qu'il ne pouvait pas le briser comme ça. J'ai laissé tomber. Il y avait déjà quelques pans de la vie de Lex auquel je savais ne pas avoir accès. J'ai classé ces déjeuners dans cette catégorie.

Jusqu'à ce que je connaisse la plus grande humiliation de ma vie. Des amis m'ont invités un dimanche midi à déjeuner avec eux. Je n'ai pas refusé. Pourquoi l'aurais-je fait ? Ce n'est pas comme si j'avais quelque chose de prévu. Le hasard a voulu que nous atterrissions dans le même restaurant que Lex et son père. J'avais expliqué en long en large en travers toute la matinée à mes amis que Lex ne serait pas là parce qu'il déjeunait avec son père et qu'il ne pouvait y couper et que personne d'autres n'y assistait. A commencer par moi.

La première voix que j'ai reconnue a été celle de Clark. Il riait. Je me suis retourné et je l'ai vu assis avec Lex et Lionel. Tous les trois avaient l'air de tellement bien s'entendre... J'ai détesté cette scène. Je n'arrivais pas à croire que Lex ait pu me laisser entendre que personne n'était admis à ces déjeuners alors que Clark y participait. Mes amis m'ont regardé avec pitié. Je crois que je ne suis jamais tombé plus bas dans mon estime qu'à ce moment là.

Cela faisait six mois que j'étais avec Lex lorsque est arrivé l'heureux moment de son anniversaire. J'étais au courant de la date bien sûr. Et j'avais décidé de préparer quelque chose de romantique pour l'occasion. A l'époque j'avais encore quelques illusions. J'avais retenu une table dans le meilleur restaurant de la ville, préparé avec soin le déroulement de la soirée, quand j'ai surpris une conversation entre Clark, encore lui, et l'assistant de Lex. A propos de la soirée qu'ils organisaient pour son anniversaire. Soirée dont personne ne m'avait parlé et qui tombait évidemment le même jour que ma soirée romantique que je planifiais depuis plus des semaines.

La vérité est qu'on aurait certainement pu s'arranger si j'avais été au courant. S'ils avaient pensé à m'impliquer dans le projet. Mais cela n'a pas été le cas. Clark et l'assistant avaient l'habitude de tout planifier ensemble depuis des lustres. Encore une fois, on me faisait comprendre que je n'avais rien à faire ici.

Ce que ce cher Lionel décida de me faire comprendre plus sûrement pas plus tard qu'hier. En me disant textuellement que je ferais d'abandonner toutes prétentions que j'avais sur son fils. Et maintenant. Parce que "cette grotesque parodie de couple" avait duré assez longtemps comme ça. Que jamais je n'aurais Lex. Parce que Lex ne faisait que se servir de moi pour détourner l'attention de Clark. Et que jamais lui, Lionel Luthor, ne m'accepterait dans la vie de son fils.

Je lui ai ris au nez. J'étais déjà arrivé aux mêmes conclusions moi même. Je n'ai pas besoin de Lex. J'ai de l'argent, je suis un photographe célèbre, un artiste reconnu. Je n'ai pas besoin de Lex. J'existais avant lui, j'existerais après. Je vais rompre avec lui. Ce soir. Parce que je suis Brian Coulter et que je trouve que je me suis déjà suffisamment rabaissé comme ça depuis que je sors avec lui. J'adore Lex. Il est drôle, intelligent, et un amant presque parfait. Mais il ne mérite pas que je me dévalorise comme ça pour lui. Je vais rompre. Je vais y arriver cette fois.


Ca y est. Je l'ai fait. Après treize mois, et quatre tentatives de ruptures, j'ai enfin réussi à rompre avec Lex. J'ai toujours pensé que treize était un bon chiffre. Il n'a pas eu l'air exactement traumatisé par la nouvelle. Treize mois et c'est comme si cela n'avait rien signifié pour lui. Il ne ressentait rien. Il m'a demandé pourquoi, je lui ai dit que j'en avais assez de servir de remplacement, de second choix. Que je méritais mieux que ça. Il s'est contenté de hocher la tête. Ni étonné, ni gêné, ni désolé. Juste Lex. C'est tout lui ça. Il m'aura probablement oublié dès que j'aurais passé la porte. Tout sera comme si je n'avais jamais été avec lui.

J'ai cru un moment donné qu'il allait me serer la main pour me dire au revoir. Je suis heureux qu'il ne l'ait pas fait. Je ne crois pas que je l'aurais supporté. Quoiqu'on en dise, Lex compte pour moi. Comptait. J'aurais voulu lui dire quelque chose au sujet de Clark, mais je n'ai pas eu le courage. Bien sûr. Le contraire eût été étonnant. Je me suis juste contenté de partir.

Parce que c'était le plus simple.

suite