Chapitre 1
Lex quitta la chambre d’hôpital où son père venait de lui apprendre la triste nouvelle. Des sentiments contradictoires explosaient en lui : il était à la fois soulagé et terrifié. Bien sûr, il souffrait du fait que la cécité de son père soit apparue suite à l’opération qu’il avait lui-même autorisée à pratiquer. Mais, d’un autre côté, au plus profond de lui, il voyait ce bouleversement comme le tournant qui lui permettrait enfin de prendre sa vie en main, de s’échapper de l’emprise écrasante de Lionel Luthor.
Le jeune homme sentit soudain un étau glacé lui enserrer le cœur et éprouva le besoin irrépressible de sortir de l’hôpital. Il avait besoin de parler à quelqu’un. Son esprit se tourna immédiatement vers Clark, mais il ne voulait pas importuner son ami si tard. De plus, celui-ci avait encore un peu de mal à accepter ce que Lex et Nixon avaient fait, même s’il ne connaissait pas toute l’histoire. Lex se passa une main sur le visage, regrettant que la seule autre personne à qui il pouvait se confier vive à l’autre bout du pays. Il fit quelques pas dans le froid nocturne, ne sachant où aller. Il ne voulait pas rentrer chez lui et se retrouver seul dans cette immense bâtisse. Il se dirigea donc vers le centre-ville, espérant pouvoir se réfugier quelques heures au « Talon ».
Le café était en effervescence. Des secouristes s’y trouvaient toujours, tentant de coordonner les recherches des quelques dernières personnes portées disparues. En passant, Lex jeta un rapide coup d’œil aux photos, reconnaissant les visages de quelques-uns des employés de l’usine, puis s’assit au fond de la salle.
Il commanda un whisky à la serveuse qui remplaçait Lana et se
plongea dans ses pensées. Il en fut tiré par une voix qui lui
semblait familière. Il leva les yeux et son regard azur croisa celui,
sombre, d’une jeune femme qui tenait le standard des secours. Le cœur
de Lex se mit à battre la chamade et il se força à se calmer
tout en s’approchant de la jeune femme. Elle ne le regardait plus, concentrée
sur sa communication téléphonique. Puis, elle raccrocha et se
tourna vers lui, un grand sourire aux lèvres.
- Bonjour, Lex !
- Katy ? Je te croyais à Los Angeles ! Que fais-tu à Smallville
?
- Je me suis engagée auprès d’une association d’aide
aux victimes de catastrophes naturelles. J’étais à Metropolis
pour un congrès avec d’autres associations, lorsqu’on nous
a envoyés ici.
- Je vois.
- Je me doutais bien que je finirait par te croiser.
- Je suis heureux que tu sois ici. Dis-moi, tu finis à quelle heure ?
Elle regarda sa montre et répondit :
- Dans vingt minutes.
- Tu veux bien me rejoindre après ? J’aimerais beaucoup discuter
avec toi du "bon vieux temps".
La jeune femme plongea son regard dans celui de son ami et comprit qu’il
avait besoin de lui parler d’autre chose que du "bon vieux temps".
Elle sourit et répondit :
- Pas de problème !
- Je te laisse travailler.
Il s’éloigna et retourna s’asseoir à sa table. De
temps à autre, il jetait des coups d’œil à son amie
qui répondait au téléphone. Enfin, au bout d’un temps
qui parut une éternité à Lex, la jeune femme posa son casque
téléphonique, prit son sac et sa veste, et se leva. Elle se dirigea
vers lui et il proposa :
- Si on allait discuter dans un endroit plus calme ?
- Je te suis, répondit-elle dans un sourire.
Ils quittèrent le "Talon" et se dirigèrent vers la Porsche
argentée de Lex. Ils montèrent dans le véhicule, puis le
jeune homme démarra en direction de la sortie de la ville.
Au bout de quelques minutes de silence, Katy se tourna vers son ami :
- J’ai appris pour ton père. Comment va t’il ?
- Ca pourrait être pire, répondit Lex, laconiquement.
La jeune femme avait senti un trouble dans la voix du jeune milliardaire, trouble
qui serait passé inaperçu pour n’importe qui d’autre.
Mais, elle le connaissait mieux qu’il ne se connaissait lui-même.
Lex gara la voiture et en sortit. Katy l’imita. Ils s’assirent sur
le capot, admirant les lumières de la petite ville, en contrebas. Tentant
de détendre l’atmosphère, Katy demanda :
- Tu m’as amenée dans le "coin des amoureux" local, non
?
Lex sourit, mais son regard était sombre.
- Tu as raison. Katy… je suis très content que tu sois là.
J’ai besoin de parler à quelqu’un…
- Je suis là pour ça, Lex.
La jeune femme posa une main en signe de réconfort sur le bras de son
ami. Soudain, tout ce qu’il avait sur le cœur remonta à la
surface et il ne put se taire plus longtemps. Il lui raconta la tornade, comment
il avait hésité à sauver son père, comment il avait
donné l’ordre d’opérer, comment Lionel Luthor lui
avait annoncé sa cécité, causée par l’opération.
Lorsqu’il se tut, Katy se rendit compte qu’il luttait pour retenir
ses larmes. "Pleurer est un signe de faiblesse" répétait
sans cesse Lionel à son fils, depuis son plus jeune âge et elle
se doutait que le jeune homme avait du mal à passer outre cette doctrine.
Katy n’avait rien dit pendant que son ami vidait ce qu’il avait
sur le cœur. Lorsqu’il eut terminé, elle se leva et se planta
face à lui. Elle l’obligea à la regarder dans les yeux et
fut bouleversée par ce qu’elle lut dans les deux lacs azurs qui
la fixaient. Elle connaissait Lex Luthor depuis des années, mais elle
ne l’avait jamais vu aussi désemparé, aussi vulnérable.
- Katy, je sais que tu ne peux pas arranger les choses. Personne n’y peut
rien. Mais, merci…
La voix de Lex se brisa et il baissa les yeux. La jeune femme s’approcha
et le prit dans ses bras. Il se laissa faire, enfouissant son visage dans la
chevelure brune de son amie. Katy comprit qu’il pleurait lorsqu’elle
sentit le corps de Lex se secouer de sanglots. Elle lui caressa tendrement le
dos, mettant toute son affection dans ce simple geste.
Au bout de quelques minutes, Lex se calma et repoussa doucement la jeune femme. Il s’en voulait d’avoir craqué, mais il était soulagé que la seule personne qui en ait été témoin soit également la seule en qui il avait une confiance aveugle. Malgré tout, une sorte de malaise persistait. Lex avait toujours été surpris que Katy arrive si facilement à le faire parler de ce qu’il avait sur le cœur, même quand il ne le voulait pas.
Ils restèrent silencieux quelques minutes, puis Lex demanda d’une
voix pleine d’espoir :
- Tu vas rester longtemps à Smallville ?
- Je pense m’installer ici. J’ai postulé pour le poste de
psychologue du lycée et, comme je suis la seule candidate, j’ai
de bonnes chances d’être prise.
- Tu loges où ?
- Chez mon oncle et ma tante qui ont une ferme au nord de la ville.
- Comment s’appellent-ils ?
- Jonathan et Martha Kent.
Lex la dévisagea d’un air surpris.
- Tu es la nièce des Kent ?
- Martha est la sœur de ma mère. Tu les connais bien ?
- Clark est l’un de mes amis. Enfin, j’espère qu’il
l’est toujours… soupira Lex.
- Pourquoi dis-tu ça ?
- Pour rien ! répondit-il trop rapidement.
Katy comprit qu’il lui cachait quelque chose mais n’insista pas.
Si elle insistait, elle risquait de braquer Lex et elle n’arriverait plus
à l’aider.
- Je te raccompagne chez les Kent ?
- Ma voiture est restée devant le "Talon", donc, si tu veux
bien…
- Bien sûr !
Ils remontèrent en voiture et reprirent la route en direction du centre
de Smallville.
Alors que la voiture roulait rapidement, Lex ne put empêcher son esprit
de vagabonder. Il n’arrivait toujours pas à croire qu’il
ait pu craquer ainsi. Il avait sorti à Katy tout ce qu’il avait
sur le cœur, comme si le simple fait de la revoir avait ouvert une vanne
qu’elle seule pouvait refermer. Il jeta un coup d’œil vers
la jeune femme qui regardait la route, droit devant elle.
- Katy, je voulais te demander…
- Ca restera entre nous, Lex.
- Merci…
Il essaya de se concentrer sur sa conduite, mais son esprit s’y refusait.
Ses yeux étaient fixés sur la route, mais il ne la voyait pas
vraiment et, lorsque le chevreuil émergea du sous-bois, Lex mit un peu
trop de temps à réagir. Il donna un coup de volant sur la gauche,
évitant ainsi l’animal, mais il ne put freiner à temps et
la voiture alla se planter dans le fossé, l’arrière légèrement
décollé du sol.